01/06/2013

[Album] Svinkels : "Tapis Rouge"

Artiste : Svinkels
Album : Tapis Rouge
Premier Album
Sortie : 1999
Genres : Rap/Hip-Hop, Cradecore, Punk Rap
Label : Delabel
Morceaux à écouter : Tous, au moins une fois.
♥♥♥♥
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Se repasser le Svink d'avant les années 2000, c'est un peu comme se déboucher une bonne bouteille qu'on aurait gardée précieusement à la cave. Un flot de paroles qui se déguste, gouleyant et au parfum soutenu. Pourtant, malgré tous ces adjectifs, le Svink, ça tache. Et ce qui est fou, c'est que malgré son âge, ce cru sonne toujours aussi juste, comme si les "jeunes qui parlent de boire" que les gaillards étaient à l'époque (bah ouais, tout le monde vieillit...) avaient compris la façon dont le monde tournait (et allait tourner). Ou alors c'est le monde qui n'a pas beaucoup changé depuis 1999...

Les Svinkels débarquent en 1997 et livrent un premier effort qui marquera l'avènement d'un genre qu'eux mêmes baptisent "Cradecore". Préférant miser sur la quantité plutôt que sur la qualité lorsqu'il s'agit de picoler, le groupe tient son nom d'une bière hollandaise réputée pour être la moins chère du marché : la "Swinkels Traditional Beer" qu'ils consommaient pendant leurs années lycée. Tapis Rouge sort en 1999, une cuvée des plus épicées introduite par un titre évocateur : "Boule Puante". Là où le Svink passe, la populace trépasse.

Beaucoup diront encore aujourd'hui que c'est un peu facile d'écrire un album sur la picole ou la drogue. Il serait donc aisé de critiquer le Svink sur ce point si les amis Nikus Pokus, Gérard Baste et Xanax n'avaient pas un certain don pour la ritournelle et l'écriture dans la langue de Molière. Adeptes du champ lexical se rapportant à la boisson - mais pas que ("Bois Mes Paroles") -, les Svinkels ne se contentent pas de faire que du Rap festif ("C-Real Killer") et en profitent pour taper là où ça fait mal ("Front Contre Front"). Cultivant un esprit contestataire et lucide face aux réalités du monde de l'époque (réalités qui sont toujours autant d'actualité, finalement), le groupe a l'intelligence de ne pas se voiler la face en proposant quelque chose de conscient, dépeignant certaines facettes tragiques de notre société, comme pour rappeler que faire la fête, c'est aussi pour oublier les nombreux tracas du quotidien et la tragédie de certaines dérives ("Krevard", "Mappe Monde", "H").

Tapis Rouge est un album dense, riche, aux rimes parfois sorties d'on ne sait où. Plus de dix ans après sa sortie, le plaisir est toujours aussi grand à l'écoute de certains couplets lourds de sens dont la plupart des sujets abordés sont encore d'actualité, ce qui le rend (presque) indémodable, en tout cas pour l'instant.

Ce qui est certain, c'est que si le Svink consomme de l'alcool en grande quantité, cela n'assèche en rien la créativité du groupe qui marque son côté Punk avec un "Réveille Le Punk" des plus jouissifs, véritable exutoire d'une jeunesse en mal de libertés, aussi débiles soient-elles. Un amour du Hip-Hop qui ne se limite pas seulement à un beat et une instru (l'album compte d'ailleurs trois morceaux instrumentaux) , le Rock étant bel et bien présent sur cet album et même si musicalement, on ne le perçoit pas toujours, c'est tout un état d'esprit que les Svinkels étalent sur ces quinze titres.

Un album qui a certes vieilli, mais c'est surtout parce que le souvenir de la première écoute, à l'aube des années 2000, reste gravée dans nos mémoires et nous rappelle cette époque où trois mecs étaient capables d'écrire autant de titres que les doigts des deux mains sur la picole sans pour autant donner l'impression de se répéter où de réemployer les mêmes rimes. Une créativité sans limite sur un nombre limité de sujets, ça pourrait sembler paradoxal mais Tapis Rouge est un album (et un morceau) qui fleure le talent (alcoolisé ?), même encore aujourd'hui.

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