Artiste : Stupeflip
Album : The Hypnoflip Invasion
Troisième Album
Sortie : 2011
Genres : Hip Hop, Electro, Punk Rock
Label : Auto-production
Morceaux à écouter : Stupeflip Vite !!!, Hater's Killah, Région Est
♥♥♥
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Stupeflip, c'est "un truc pataphysique". Pas besoin de connaître cette science "valérienne" pour comprendre la teneur décadente de ce groupe, qui résonne comme un terroriste dans la grotte du paysage musical de l'hexagone. Ce dernier album du groupe, inscrit dans la continuité des deux premiers ("Stupeflip" en 2002 et "Stup' Religion" en 2005) est sans doute le plus travaillé, le plus léché, sorte de pierre angulaire nécessaire à la fortification d'un projet artistique qui aurait dérouté plus d'un producteur.
Si l'on m'avait dit, il y a un an, qu'un jour j'allais devoir à faire cette chronique, je l'aurais sans doute gravée en lettres d'or sous la voûte céleste. Alors tâchons de mettre les usages de côté, la bien-pensance n'étant pas incitée pour la critique d'un tel groupe.
Souvenez-vous : nous n'avions alors ni portable, ni internet illimité, et déjà nous chantions "Je fume pu d'shit", hymne-purgatoire de nos consciences, endisqué sur le premier album éponyme du groupe. Puis il y a eu l'apparition à "Top of the Pop" sur M6 et le parti-pris en direct par le groupe. Leur trip ? On désobéit à la programmation en chantant mal sur un plateau, histoire de traumatiser le parterre d'adolescents pré-pubaires habitué à du 4/4, et on file en coulisses sans se retourner. Le spectacle authentique de cette tentative de détournement marque l'inclinaison du groupe pour le circuit sombre de la musique.
Après ? Ils ont arrêté de prendre des cours de com', et ont sorti "Stup'Religion", deuxième album, au gré des vicissitudes chaotiques qui rongent les artistes. Puis plus rien. Les fans, en bons "petits lapins", étaient comme perdus, sans Dieu ni maître, alors Stupeflip voulut les apaiser, à coup de "crayon Titi" : "The Hypnoflip Invasion" est un album qui allait faire beaucoup de bien.
Pour ceux qui ne connaissent pas Stupeflip, le groupe se définit comme "trois p'tits connards, qui fument et qui fument en jouant de la guitare", composé de King Ju, le plus "1er plan", MC Salo et Cadillac. Leur credo ? La vengeance. Mais se venger de quoi ? De la vie, du système, de tout ce qui nous pousse, vous et moi, à la médiocrité ("Stupeflip Vite !!!"). Artistes engagés ? Pas plus que des malgré-nous. Cependant, la catharsis fonctionne, et l'on s'affectionne très vite pour leur sens de l'humour corrosif, ce vrai-faux premier degré, avec lequel ils insultent volontiers leur public. S'il y a un flow dans leur phrasé, le groove est absent ("La Menuiserie"). Le Hip-Hop de blancs, façon Beastie Boys, la grosse production en moins, même si "Hypnoflip Invasion" est sorti en vinyle, jusque dans les rayons de la Fnac.
Au début, on est sceptique. Puis on rit, on est touché, on se rappelle, et le groupe devient l'ami effarouché qu'on rappelle, sur scène. Comme toujours, la pochette, dessinée par King Ju (qui a signé celle de Lofofora pour "Mémoire de Singes"), nous "stupeflippe" la tronche, et l'album se présente comme une intermittence de chansons et d'interludes, pioche ses inspirations dans le Rock, l'Electro, l'Indus, la Pop, le Punk, et même le genre Mylène Farmer ("Lettre à Mylène"). Le phrasé est cru, dépoussiéré, accentué dans ses consonances ("Le vent siffle / Alors il s'emmitouffle / Il sent même plus ses poings serrés dans ses moufles / Il morfle." Extrait de "Le Spleen des petits"), les images frappent, et le "style en Crr", marque de fabrique du groupe, permet à la musique de s'émanciper des carcans stylistiques des genres. Ça crie, ça prie, ça récite l'accord tacite qui séduit les lapins.
L'univers musical est lui aussi travaillé, avec ces samples glauques, ces time-rewrites, et fiction et réalité s'entremêlent à merveille, comme des miroirs de nos vies brisées. Ce goût prononcé du groupe pour la fiction lui permet d'instaurer une distance entre l'authenticité, et la création artistique.
À ceux qui ne comprendraient pas le port des masques, King Ju le résumait ainsi dans une interview "Attends, mais t'as vu aujourd'hui à quel point il est dur de s'exprimer sans être pris pour cible ?". Son habit de scène symbolise toute une tradition, mais je ne vous l'expliquerai pas, c'est comme pour le "Mystère en chocolat", il restera tout entier : vous en saurez rien !
Chronique rédigée par Comte Vergil.
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