Attention : Cette chronique contient de nombreux spoilers et si vous n'avez pas vu le film mais projetez de le voir un jour, évitez de la lire.
Pour cette première chronique cinéma, je profite du visionnage de Godzilla il y a quelques jours pour une réaction "à chaud". Le fait est qu'en sortant de la salle, je n'aurais pu dire si j'ai aimé le film ou non. Il se trouve qu'en fin de compte, comme beaucoup de blockbusters qui sortent ces derniers temps, c'est un bon divertissement, et le problème n'est pas de chercher à savoir si le film est bon ou non (ils sont généralement "plutôt pas bons", si on reste objectif et avec un regard un tant soit peu critique et qu'on ne prend pas en compte la prouesse technique) mais plutôt d'analyser ce qui est cool, ce qui l'est moins, ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas des masses.
Le teaser/trailer qui donnait des frissons.
Personnellement, je ne cours pas après ce genre de film "catastrophe" où on sait d'avance que le scénario tiendra sur un post-it mais il faut bien admettre que tout ça n'a d'intérêt que sur grand écran et avec une bonne 3D (même si on regrettera encore de ne pas pouvoir profiter de la version originale dans tous nos bons vieux cinémas pour éviter de se payer des doublages français parfois atroces). La curiosité l'a donc emporté sur la raison et le fun a largement pris le dessus sur le porte-monnaie. Et puis il faut aussi admettre que la bande-annonce mettait l'eau à la bouche, surtout au niveau sonore : quelle claque ! Le genre de truc qui fait resurgir en nous tous ces films où il est question de monstres immenses ou de phénomènes inexpliqués que l'on distingue à peine, qu'on ne comprend pas, et où on prend un plaisir malsain à voir passer à l'action toute leur capacité destructrice, dans tous les sens du terme (Jurassic Park, Cloverfield, Phénomènes, la liste est longue comme le bras). Un bande-annonce qui promettait du gros, du lourd, mais aussi un certain enjeu, une bribe de scénario qui allait définitivement faire passer le Godzilla de 1998 pour une blague, notamment grâce à l'emploi du personnage incarné par Bryan Cranston. Et c'est là que la première déception pointe le bout de son nez.
La bande-annonce qui laissait croire que Bryan Cranston serait au centre de l'intrigue.
Bryan Cranston, tout le monde le connaît bien depuis son rôle dans la série Malcolm mais il faut bien avouer que depuis Breaking Bad, l'acteur a pris un véritable cachet et ça, on ne peut pas lui enlever tant c'est mérité. Le souci pourtant, c'est qu'on nous a vendu un film (via sa bande-annonce) avec apparemment deux axes : le monstre, et le personnage de Bryan Cranston. Sauf que voilà, ce dernier n'est à l'écran que pendant le premier quart du film, laissant la vedette à Aaron Taylor-Johnson qui campe un lieutenant de l'armée spécialisé en armes de destruction massive. L'acteur, tanké comme une marmule depuis son passage à la salle de muscu pour Kick Ass 2, a un certain manque de charisme et passe littéralement pour un acteur débutant quand il s'agit de pleurnicher ou de faire passer une quelconque émotion (la scène de retrouvailles avec sa femme et son fils par-exemple, ou tout simplement lors de la mort de son père), chose que Bryan Cranston réussit à merveille (il faut dire que les cinq saisons de Breaking Bad ont un peu aidé). En clair, le premier quart du film est riche, soulève un tas de questions, profite d'un acteur qui tire l'ensemble vers le haut. Mais tout ça ne dure malheureusement pas longtemps. La faute sans doute au scénario qui change radicalement d'axe en même temps que le personnage intéressant de Cranston qui en vient à mourir.
Le trailer qui ne nous rajeunit pas !
Un scénario qui semble pourtant ne pas se fourvoyer mais surprend, tout simplement. Car le film prend une toute autre tournure à partir du moment où tous les morceaux du puzzle sont assemblés sur le pourquoi du comment le(s) monstre(s) sont là et quel est leur but. On passe du polar/thriller sur fond de complot militaire et scientifique à une sorte de documentaire animalier contemplatif. Autant dire que les enjeux ne sont pas du tout les mêmes avant l'explication des problèmes et le passage à leur résolution. Quand je dis que le scénario ne se fourvoie pas, c'est qu'il est clair que l'objectif est rempli : nous faire oublier les personnages pour mettre les monstres au premier plan. Dans ce cas, il devient très difficile de justifier des plans où on voit les personnages essayant justement de nous faire compatir à leur triste sort. Car des morts, il y en a, et pas qu'un peu ! Entre un tsunami, des immeubles qui s'effondrent dans une San Francisco à peine évacuée ou encore un Golden Gate Bridge blindé de véhicules remplis à raz bord qui se voit littéralement tronçonné en deux, on peut dire que c'est l'hécatombe côté espèce humaine ! Mais on n'y pense pas, ou alors pas vraiment, préférant se focaliser sur des bestioles gigantesques faisant passer la "chose" de Cloverfield pour un simple cafard. C'est jubilatoire et pourtant, un tantinet décevant. Car cette surenchère de plans larges où les bestioles sont bien visibles fait perdre cette magie du suggéré. Dans Cloverfield, certes on avait la nausée à cause de cette caméra qui bougeait dans tous les sens, mais le monstre foutait les boules car : 1) on ne savait pas ce que c'était ni d'où ça venait et 2) parce qu'on ne sait pas vraiment à quoi il ressemble finalement (sauf après passage au ralenti de quelques plans du film). Pourtant, ce Godzilla fourmille de belles séquences ou jolis plans ne laissant entrevoir qu'une petite partie du corps immense de la bête, mais ils ne suffisent pas à conserver cette tension de l'inconnu et du danger qu'il représente suffisamment longtemps. Non, on passe rapidement à la démonstration des capacités destructrices de ces créations de mère Nature afin de nous faire profiter de ce petit bonheur coupable de voir des combats titanesques qui font passer un Pacific Rim pour presque gentillet. C'est pourtant assumé dans le film et finalement, bien que cela m'ait un peu déçu, ça passe vraiment pas mal.
Mais revenons sur la Nature. Celle qui a engendré ces immenses animaux à grands renforts de radiations. Elle nous joue quelques petits tours sans doute insignifiants pour la plupart des spectateurs mais qui ont eu le dont de me gâcher quelques séquences du film. Tout d'abord, ce tsunami à l'approche de Godzilla sur Honolulu : la déferlante est monstrueuse et digne d'une catastrophe naturelle de grande ampleur, ce qui peut être justifié par la taille du reptile. Cela dit, je n'ai pas souvenir d'un San Francisco subissant le même type de vague à l'approche du même Godzilla. Et je ne parle pas de l'onde à la surface de l'eau à la toute fin du film qui donne l'impression que Godzilla n'est subitement plus qu'une vulgaire "petite" baleine... J'imagine qu'il n'y a que moi qui puisse faire attention à ce genre de détail. Mais même si cela permet de faire des économies sur les effets spéciaux, il y a un véritable problème avec la physique d'éléments naturels comme l'eau qui met en relief le peu d'intérêt qu'ont les réalisateurs/producteurs hollywoodiens pour une cohérence totale et réaliste. Mais je chipote, et j'en suis conscient.
Enfin, peut-on parler de ce Godzilla de 2014 sans mentionner le jet de flamme bleu que produit le monstre ? Difficile d'expliquer d'où il peut provenir mais bon sang quel pied ! La bonne petite surprise de fin de film (pas comme cette histoire d'épée dans Pacific Rim qui invoque davantage un facepalm d'incompréhension que des applaudissements de joie). Et je pense ne pas être le seul à s'être rappelé cette série animée sortie en 1998 à la suite du long métrage de la même année où Godzilla jouait un rôle de protecteur de l'Humanité contre d'autres montres de même type que les MUTO (voir ci-dessous). Une jubilation toute particulière pendant le film lorsqu'on comprend que Godzilla n'en a finalement pas grand chose à faire de tous les humains qui fourmillent à ses pieds, comme si le réalisateur avait voulu faire un clin d’œil à ce côté "prédateur naturel" mais relativement inoffensif pour l'espèce humaine (au même titre que les requins ou lions) avec le côté documentaire animalier du film. On imagine aisément un lion coursant un gnou, les deux animaux piétinant les fourmis à leurs pieds sur le sol. Vous visualisez ? Imaginez alors que les fourmis, c'est nous, pauvres humains minuscules.
Vous vous souvenez de cette série animée ?
La boucle est donc bouclée et bien que j'aie personnellement été un peu déçu sur divers points, le film tient la route dans son ensemble. Après, difficile de dire si il passe mieux qu'un Pacific Rim (ce dernier comportant bien plus d'incohérences à mon sens) et je laisse donc les fans de ce genre de productions directement inspirées de la culture nippone en décider. Quoiqu'il en soit, le mythe est respecté et apporte son lot de nouveautés, notamment sur le côté massif de la bête qui ressemble d'avantage à un énorme crocodile qu'à un tyrannosaure mais aussi sur le fait que l'action se déroule sur la côte Ouest des Etats-Unis et pas dans l'habituelle New-York, cette localisation géographique étant habillement justifiée par le scénario.
Pas un "bon film", mais un bon blockbuster, je le reconnais sans aucun problème. Cela dit, une question me taraude l'esprit : après avoir terrassé deux MUTO et s'être battu de la sorte, après avoir voyagé des milliers de kilomètres à travers l'océan Pacifique, et donc après avoir brûlé des centaines de milliers (millions ?) de calories, de quoi va bien pouvoir se nourrir Godzilla par la suite ? Ah, on me dit que le deuxième volet est peut-être déjà prêt à passer en production... Peut-être qu'on en saura davantage sur les habitudes alimentaires ou de reproduction de la bête lors du deuxième reportage !
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