19/03/2014

[EP] Ellipse : "L'Ampleur Du Vide"

Artiste : Ellipse
EP : L'Ampleur Du Vide
Sortie : 2012
Genre : Métal Moderne, Métalcore
Label : Autoproduction
♥♥♥♥
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De qui on parle ? Ellipse nous vient de France. Ellipse nous vient de Bretagne (ou presque). Ellipse est un groupe originaire de Nantes. Apparaissant comme un cheveu sur la soupe, sorti d'un peu nulle part sur la scène Métal française en 2012 avec ce premier EP directement balancé sur Youtube puis sur BandCamp en téléchargement libre, Ellipse s'est rapidement fait remarquer avec son mélange de Métal moderne (fouillé, torturé, lourd et à la fois spatial et poétique, notamment dans ses solos) et de Hardcore porté par une voix féminine qui en impose en la personne de Claire Bousigue. Un joli visuel à base de constellations d'étoiles, cinq titres dont une intro pour un résultat efficace et surtout une très bonne carte de visite pour se lancer : L'Ampleur Du Vide est un petit recueil qui pèse dans la balance et vaut carrément le détour.

Une identité. Avec un terme à la fois mathématique et grammatical en guise de nom, le groupe nantais brouille les pistes dès le départ. Et ce n'est pas avec un titre comme L'Ampleur Du Vide pour ce premier EP qu'on s'y retrouve davantage. Avec ce visuel sombre parsemé de points lumineux, invitant à une contemplation rattrapée par la force de son obscurité et de son vide spatial infini, Ellipse présente son univers de la meilleure des façons : chacun pourra s'y référer tout en laissant libre cours à son imagination à l'écoute de la musique du groupe. Et ce n'est pas un détail puisque les textes sont poétiques, métaphoriques et laissent une interprétation relativement libre, entre sens propre et lecture "entre les lignes". Le vide n'est rien, par définition, mais il existe. Et c'est sans doute ça qui nous fait si peur et, en même temps, nous fascine. Il se dégage de tout ça une maturité que les instruments viennent confirmer avec brio. Car les musiciens sont talentueux et la musique parle ici autant que les textes.

Lourd, riche et mélodique. Il n'y a pas beaucoup d'autres adjectifs pour qualifier la musique d'Ellipse. Les nantais pratiquent un Métal à tendances mélodiques (notamment sur les solos) mais la voix de Claire, d'une tonalité plutôt monocorde, se rapproche davantage d'un Hardcore rageur. Un mélange qui passe plutôt bien et qui permet à Ellipse de tirer son épingle du jeu en proposant quelque chose de suffisamment personnel pour marquer les esprits. Les riffs sont lourds et martèlent les oreilles, appuyés par une double-pédale sauvage. La batterie est d'ailleurs bien mise en valeur et habite chaque morceau de rythmiques marquées par la basse et alternant entre Punk Hardcore, Métalcore et Métal. Il n'y a parfois qu'un souffle entre du deux-temps conventionnel, un blast bien placé et une petite session de "jogging" où la double-pédale est mise à forte contribution. Cette diversité permet à Ellipse de proposer une musique qui évolue, qui change, qui chante, les riffs se succédant pour laisser une guitare solo s'exprimer avec toute la beauté, la clarté et la force dont elle peut faire preuve. Il suffit de s'attarder sur la magnifique clôture de "Portrait" - un morceau a grosse influence Hardcore pourtant - pour en avoir le cœur net. Il y a quelque chose d'épique - voire même mystique - dans la musique d'Ellipse, et les textes servis par un vocabulaire bien spécifique ne font qu'accentuer cet effet.

Combattre. Si il y a bien un détail qui frappe au niveau des textes justement, c'est le choix du vocabulaire et des champs lexicaux. La chair est mise à mal ("sang", "plaie", "crever l’œil"), aussi bien par l'Homme lui-même (automutilation) que par des éléments déchaînés ("vent", "océan") et des créatures imaginaires malfaisantes ("monstre", "fantômes"). L'interprétation de ces textes peut se faire sur deux niveaux de lecture : des récits noirs où le Bien combat le Mal aussi bien qu'il le peut (beaucoup de références à l'obscurité et à la mort s'opposant à la lumière) mais il est sans nul doute possible de les transposer à certains contextes sociaux ou politiques contemporains, ce qui justifierait le choix d'un chant crié et hurlé propre au genre Hardcore et soulignerait un engagement dans l'écriture qui serait camouflé par l'onirisme. Quoiqu'il en soit, Ellipse semble combattre quelque chose à l'aide d'une musique puissante et salvatrice, tel un rayon lumineux traversant l'obscurité et terrassant un ennemi aux nombreux visages. Claire apparaît donc comme une messagère apportant l'espoir malgré la description d'un univers dans lequel il ne reste à ce dernier que peu de place. Et même si on peut lui reprocher un chant très monocorde, on sent la rage, la hargne, la colère et la sincérité dans sa voix et ses hurlements. On a envie de prendre part à la guerre qui fait rage dans nos oreilles et c'est d'une façon détournée, par la combinaison d'une musique très bien composée et des textes faisant appel à notre imagination, qu'Ellipse arrive à fédérer son auditoire. En cela, le pari est risqué : pas de chant clair, une compréhension parfois difficile des textes et une absence presque totale de gang vocals pour du Hardcore. Mais les nantais ont un talent certain pour parvenir à leurs fins et il faut reconnaître une richesse musicale qui aurait très bien permis de voir sortir une version instrumentale de cet EP.

Sauvage. Ellipse tire sa force d'une musique riche, qui communique, d'un chant couillu et d'émotions palpables résultant de la combinaison de ces ingrédients. Un groupe de Métal français qui mérite de l'attention et dont l'audace et le talent auraient bien besoin d'être davantage reconnus. L'Ampleur Du Vide est un EP court mais ô combien intéressant et puissant qui s'écoute avec toujours autant de plaisir que lors de sa sortie. Ce n'est pas tout le monde qui aimera le chant hurlé de Claire ou le côté parfois très (trop ?) technique de la musique d'Ellipse mais ces nantais-là ont fait très fort avec ce premier effort. Chapeau !


Edit : Chronique réécrite en juillet 2016.

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