Delphine Benhamou et Magdalena Bahamondes Romero dans la forêt de Compiègne pendant le Festival des Forêts en 2014. |
Afin d'éviter le moindre débat politico-écologique, nous ne parlerons que de musique. Laissons ces discussions un peu compliquées à ceux qui maîtrisent (plus ou moins) le sujet.
Cette première semaine de décembre 2015, tout le monde a les yeux rivés sur la capitale française, attendant que des décisions soient prises et que des accords soient signés afin de réduire l'impact du réchauffement climatique dans les années et décennies à venir. Cela va-t-il changer quelque chose ? Pas sûr. Et pourtant, la sonnette d'alarme retentit depuis pas mal d'année un peu partout à la surface du globe. Et il n'y a pas que les scientifiques ou les écologistes qui appellent à la mobilisation. Depuis longtemps déjà, certains artistes ont jugé important de faire passer le message au travers de leur musique, notamment dans le Rock ou le Métal et ses dérivés. Alors, pour bien faire comprendre à tout le monde qu'on ne dit pas que des conneries dans ce genre bien trop souvent boudé en France car considéré comme "violent" et réservé "aux adorateurs de Satan", voilà une petite sélection de morceaux qui auraient bien mérité d'être joués à cette fameuse COP21, histoire de mieux faire passer le message et éveiller les consciences. Peut-être. Et comme la plupart de ces groupes s'exprime en anglais, on va tenter de décortiquer leurs propos.
1. Linkin Park : "What I've Done"
L'optimisme. Un peu facile (et discutable) de commencer par Linkin Park, surtout que ce morceau est extrait d'un album ayant marqué un tournant musical controversé pour le groupe (Minutes To Midnight). On aime ou on n'aime pas, peu importe. Des blousons en cuir noir, des lunettes de soleil et plus grand chose à voir avec le Néo Métal de la fin des années 1990 : Linkin Park amorçait une descente vers le Rock mielleux à tendance Electro qui aura brûlé les oreilles d'un paquet de fans de la première heure. Mais là n'est pas le sujet, surtout que les thèmes abordés par le groupe ont eux aussi évolué avec sa discographie, les faisant passer d'ados "métalleux" à des adultes pseudo-responsables. Avec ce titre et un clip assez explicite, le groupe proposait une forme d'optimisme quant à nos erreurs du passé à ne (surtout) pas reproduire. On a donc droit à des images d'animaux évoluant à l'état naturel et dont la plupart sont considérés comme en voie de disparition (pour de bonnes raisons), d'une nature en souffrance (exemples d'un glacier en pleine fonte ou d'un oiseau condamné par une marée noire) mais aussi des images d'archives où l'Homme est sérieusement mis en cause. Une façon de dire qu'il est temps d'oublier tout ça et de passer à autre chose, histoire d'améliorer la situation actuelle. Tout ça date de 2007 et il est difficile de dire que les américains aient été entendus... (pour mieux comprendre : les textes de "What I've Done")
2. Raised Fist : "Man & Earth"
La claque punitive. 2015 aura été une bonne année niveau sorties musicales mais cette année aura surtout marqué le retour de Raised Fist après six ans d'absence (Veil Of Ignorance datant de 2009) avec un nouvel album : From The North. Et même si c'est une sorte de nouveau départ pour le groupe, les suédois n'ont pas la main tendre avec le reste du monde qui ne se bouge pas assez le cul à leur goût. On est d'abord "gentiment" invités à écouter ("Stop and listen !") Alexander qui veut nous parler du changement climatique ("I want to complain about climate change") tout en sachant très bien que certains n'en ont rien à foutre ("It might not be of your concern"). S'en suivent des punchlines comme s'il en pleuvait avec une verbe que seul le gaillard sait pratiquer : c'est efficace et ça frappe là où ça fait mal. Aux yeux du frontman, nous sommes en train de jouer à un jeu que nous sommes voués à perdre ("This is how we play when we betray man and earth") à cause de notre attitude passive et notre tendance à nous complaire dans un confort qui n'est qu'une illusion temporaire. Il y aura un jour où il faudra vraiment se bouger mais nous n'aurons pas appris de nos erreurs passées ("You will never learn !"). Ce n'est pas la première fois que Raised Fist nous parle de problèmes mondiaux qui nous toucheront tous tôt ou tard et tant que nos consciences ne seront pas éveillées, Alexander sera sans doute là pour nous rappeler à l'ordre... et tant mieux. (pour mieux comprendre : les textes de "Man & Earth")
3. Enter Shikari : "Arguing With Thermometers"
L'humour bristish à la rescousse. Enter Shikari a su évoluer au fil des années, tant et si bien que le groupe a réussi à s'imposer comme fier représentant d'une scène Post-Hardcore indépendante et engagée, créant son propre genre musical et ça, c'est assez balèze. Dans A Flash Flood Of Colour, son troisième album paru début 2012, le groupe proposait un titre faisant allusion à notre tendance à "jouer avec le thermomètre" terrestre. Avec un style musical bien à eux et un humour décalé, les quatre compères anglais décident de se moquer de l'absurdité de vouloir aller forer en Arctique pour aller chercher du pétrole à l'heure où le progrès nous propose des alternatives aux énergies fossiles. Nous sommes des drogués au pétrole ("We're all addicted to the most abused and destructive drug of all time") et d'après eux, il y a même fort à parier qu'Ernest Shackleton se retourne dans sa tombe ("They'll plant their flags in the sea bed, Shackleton is rolling in his grave..."). Costumés en journalistes un poil ringards, les membres du groupe s'imaginent en train d'interviewer les représentants de compagnies pétrolières, ce qui donne un clip drôle, au ton léger malgré un sujet très sérieux. Mais comme le dit Didier Super : "Mieux vaut en rire que s'en foutre". Enter Shikari est désormais connu pour ses textes engagés et quand on voit ce qui se passe aujourd'hui à chaque coin du monde, on se dit que le groupe n'a pas fini d'être inspiré... (pour mieux comprendre : les textes de "Arguing With Thermometers")
4. Enhancer : "Qu'Est-Ce Qu'on Va Laisser"
La façon explicite. D'avance, toutes mes plus plates excuses pour ce montage vidéo amateur d'une qualité d'image et sonore assez douteuses. Mais au moins, le morceau est là dans son intégralité. Et c'est tout ce qui compte. Enhancer, comme la grande majorité des groupes de la Team Nowhere, a commencé par du Rap Métal ultra-bourrin pour ensuite se tourner vers quelque chose de beaucoup plus... doucereux musicalement. Une bande d'adolescents qui faisaient du BMX et autres activités de la street qui ont ensuite grandi, comme tout le monde, pour gagner en maturité pourrait-on dire. Avec "Qu'Est-Ce Qu'On Va Laisser", le groupe prend conscience des enjeux de la génération actuelle et des conséquences de ses actions sur la génération future. Dans quel état sera la planète après tout ce qu'on en aura fait ? Des mots ou expressions synonymes reprises à maintes reprises dans ce morceau aux propos explicites et dont la bonne idée réside dans le fait d'inclure des voix d'enfants pour scander le refrain. Les textes ne sont pas très recherchés ou compliqués mais mettent des mots simples sur ce qui semble désormais notre quotidien. Et ce ne sont pas les annonces de ces derniers jours qui vont nous faire dire le contraire (des centaines de balaines se sont échouées au Chili et un barrage a déversé des quantités colossales de boues toxiques dans le fleuve Rio Doce au Brésil, entre autres). Un morceau qui tend à rappeler la théorie de l'agent Smith dans Matrix selon laquelle l'humain n'est rien d'autre qu'un virus pour la planète... (pour mieux comprendre : les textes de "Qu'Est Ce Qu'On Va Laisser")
5. Deadspeaker : "Contaminated Society - Part 1"
La façon rapide. Deadspeaker, pour la faire courte, c'est un one-man-band porté par Andreas Folkow. Le type écrit et compose donc son Métalcore tout seul, comme un grand. Et même si ça n'a pas la même saveur qu'un vrai groupe avec ses musiciens et leurs instruments, il n'y a pas que du mauvais dans son travail. Ce morceau est la première partie d'un EP de trois titres qui passe vite et tape fort. Dans les textes, rien de bien différent de ce que Raised Fist peut raconter dans le morceau proposé plus haut : nous sommes tellement focalisés sur nos écrans qu'on en oublierait (presque) de vivre nos vies et de faire de cette planète un meilleur endroit qu'il ne l'est déjà. Voilà le topo, grosso merdo. L'avantage ici, c'est que même si on n'aime pas le genre musical, la très courte durée du morceau permet même aux plus récalcitrants de quand même tenter l'expérience. Pas besoin d'aller chercher les textes : ils sont écrits en gros dans la vidéo.
6. 30 Seconds To Mars : "Kings & Queens"
La façon épique. On ne présente plus Jared Leto, le mec qui touche à tout et réussit avec talent. Que ce soit en tant qu'acteur, producteur, chanteur, compositeur ou parolier, ce gars-là de quoi rendre jaloux la gente masculine mondiale, sans parler du fait qu'à quarante ans passés, le type en fait bien dix de moins. Même si 30 Seconds To Mars a évolué depuis ses débuts et qu'on est bien loin aujourd'hui de ce à quoi ressemblait la musique du groupe à l'époque de son premier album, le succès commercial est toujours au rendez-vous et le nombre de membres de la Mars Army ne cesse de croître au fil des années. Cet indéniable témoin prouve que la musique du trio touche les foules et cela permet de réaliser des clips comme celui proposé ci-dessus : des figurants à la pelle qui sortent leurs vélos pour faire un tour dans les rues de Los Angeles. Niveau textes, Jared Leto nous propose sa vision des choses : nous sommes les "rois" et "reines" en ce bas monde et nous sommes libres de nos actions. Malgré un certain optimisme dans cette chanson, le dernier couplet se termine sur "l'inéluctable fin de l'âge de l'Homme et que ce qu'on aura appris de nos erreurs n'est que le début" ("The age of man is over. A darkness comes and all these lessons that we learned here have only just begun"). Le début de quoi ? D'une période encore plus sombre, il faut bien le croire;.. (pour mieux comprendre : les textes de "Kings and Queens") Il est aussi fortement conseillé de regarder la reprise de ce morceau par Cobus Potgieter à la batterie.
7. Parkway Drive : "Dark Days"
La grosse colère. Difficile de passer à côté de Parkway Drive tant les australiens ont marqué de façon indélébile le Métalcore de ces dix dernières années. Très énervé, le groupe exposait avec "Dark Days" son bilan de l'état de santé de la planète. Un morceau qui date de 2012 et extrait de l'album Atlas qui nous invite aux "funérailles du monde" ("This is the funeral of the Earth") tant la situation paraît catastrophique. Du coup, ça crie fort, ça gueule même, et ça n'y va pas avec le dos de la cuillère ! Niveaux textes, c'est pratiquement la même chose que dans les morceaux déjà cités ci-dessus et si vous notez une ressemblance avec les propos de Raised Fist, c'est peut-être parce que les deux groupes sont signés chez le même label : Epitaph Records. Même si "Dark Days" est un morceau particulièrement violent, on notera ce petit solo bien placé pour adoucir la chose. Pour le clip, beaucoup d'images de la planète en souffrance et même si on commence à en avoir plein le dos, l'effet est toujours aussi saisissant de voir l'influence de l'Homme sur son environnement. (Pour mieux comprendre : les textes de "Dark Days")
8. Gojira : "A Sight To Behold"
Technique et engagé. Impossible de traiter un sujet aussi particulier que le réchauffement climatique ou même la cause écologique sans citer Gojira. Un groupe désormais culte et français (cocorico !) mais qui a décidé de s'exprimer en anglais, sans doute pour parler au plus grand nombre de personnes possible. Et ça marche ! Le groupe s'est d'ailleurs très bien exporté et a su accumuler les fans bien au-delà de nos frontières. Concernant son engagement pour la cause environnementale, Gojira a par-exemple réalisé un EP de cinq titres dont tous les droits et bénéfices sont allés (et vont toujours ?) à l'association Sea Sheperd - une association dont les actions sont sujettes à débat - pour lutter contre la chasse à la baleine. Musicalement, personne n'a rien à redire tant sur le niveau technique que sur les textes que le groupe développe. Et même si "A Sight to Behold" n'est pas le morceau le plus sympathique à écouter, le choix d'une vidéo Live ici n'est pas anodine, les prestations du groupes étant toujours d'une qualité indiscutable. Niveau textes, les frangins Duplantier et leurs acolytes proposent ici un évident et triste constat de nos comportements ("This is what we make of the world : we throw everything away"). Rien de bien plus positif et optimiste que tout ce qui a déjà été vu dans les morceaux proposés dans le reste de cette chronique, finalement. (pour mieux comprendre : les textes de "A Sight to Behold")
9. Epica : "This Is The Time"
Comme une prophétie. Epica fait normalement du Métal Symphonique grandiloquent mais avec "This Is The Time", le groupe proposait un morceau acoustique d'une douceur imparable pour nous rappeler à l'ordre : il est temps de se sortir les doigts du cul. Quoi ? D'autres disent la même chose ? Oui, mais peut-être pas avec cette voix d'ange que possède Simone Simons. Le groupe est d'ailleurs très concerné par l'environnement puisque les retombées de ce titre sont aux bénéfices de la WWF, la célèbre ONG au panda. Dans les textes, c'est surtout la nature qui est mise en avant, celle-ci étant considérée comme une entité à par entière nous communiquant son mal-être suite à nos dérapages ("When we fail, nature speaks to us all"). Au programme, dans le clip, plein d'images d'animaux tout mignon et choupinou pour nous rappeler que, putain, on vit au milieu de bien jolies créatures. Le hic, c'est qu'il y a aussi des images de nous, les humains, et de ce qu'on fait de ce joli "paradis". Et là, c'est tout de suite beaucoup moins mignon. Comme quoi, on peut faire passer le message sans nous engueuler et nous faire la morale de façon violente comme le font d'autres groupes. L'ironie de la chose, finalement, c'est qu'Epica est signé chez Nuclear Blast Records. Et quand on connaît l'impact d'une bombe nucléaire sur l'environnement, il y a de quoi se marrer un peu. (pour mieux comprendre : les textes de "This Is Time")
10. Serj Tankian : "Harakiri"
Le tube allégorique. Qui n'a pas écouté ou déjà entendu au moins une fois dans sa vie la voix de Serj Tankian est passé à côté de quelque chose de spécial. Le chanteur de System Of A Down s'adonne depuis 2006 à une carrière solo avec, en 2015, déjà quatre albums au compteur et sous son nom. Avec son timbre de voix reconnaissable parmi tout ce qu'on peut entendre dans le Métal, le chanteur arménien met son expérience en matière de chant pour nous pondre toujours plus de tubes qui, bien qu'apparentés à un style musical qui en rebute plus d'un, peuvent être écoutés par pratiquement tout le monde. Avec "Hara Kiri", Serj Tankian ne change pas les bonnes habitudes qu'il avait prises avec System Of Down, à savoir manifester son engagement pour des (grandes) causes comme la guerre (en Irak avec "Boom!") ou le génocide arménien de 1915-1916. Cette fois, c'est l'impact de l'homme sur le reste du monde et les images sont en plus appuyées par des messages écrits nous rappelant, entre autres, que "des millions d'animaux se sont éteints récemment", que "les OGM sont en train de faire exploser le nombre d'allergies alimentaires, dont certaines sont létales" ou que "la pollution des villes tue environ 2 millions de personnes chaque année". Rien de bien réjouissant mais, bizarrement, ce morceau transpire la joie et l'optimisme, les images de Serj Tankian chantant ses textes avec un grand sourire nous rappelant que ce gars-là ne pourrait pas faire autre chose et que c'est toujours un bonheur de l'entendre. Le reste des images, par contre, sont beaucoup moins joyeuses et nous permettent de constater les dégâts rapportés par ces fameuses lignes de texte. Serj Tankian signait là un tube de plus, et pour la bonne cause. (pour mieux comprendre : les textes de "Hara Kiri")
11. The Vines : "Killing the Planet"
Tout simplement. On termine avec The Vines et le très parlant "Killing The Planet" qui nous rappelle combien nous sommes balèzes pour affecter tout ce qui nous entoure ("We're always around to affect what we surround"). Pas grand chose à ajouter : tout est dans les textes, il suffit de les lire (cliquez ici pour les voir). Quant aux images, elles parlent aussi toutes seules, comme la plupart des vidéos de cette chronique. Et comme on dit en anglais : deal with it !
BONUS : Un court métrage d'animation pour nous rappeler toute l'absurdité de nos habitudes de consommation. "Let's Pollute !" de Geefwee Boedoe (2010). Un court métrage satirique réalisé avec un style graphique rappelant les années 50 et certaines vidéos éducatives de l'époque. C'est drôle mais ça fait quand même grincer des dents. (cliquez ici pour voir le film en version originale non sous-titrée)
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