18/09/2017

[EP] Vesperine : "Parmi Les Autres"

Artiste : Vesperine
EP : Parmi Les Autres
Sortie : 2015
Genre : Post-Métal, Post-Rock/Post-Hardcore lourd et sombre
Label : Send The Wood Music
♥♥(♥)
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La signature. Lyon. Encore Lyon. Encore et toujours Lyon. Il se passe vraiment quelque chose en cette ancienne capitale des Gaules ! Il y a en effet une scène qui y témoigne un amour vibrant pour le Rock, cet amour étant délivré sous autant de formes qu'il y a de groupes pour l'exprimer. Lyon - on ne le dira jamais assez - ne se limite pas qu'aux Nuits Sonores et aux soirées Electro promues par une culture locale pourtant bien attachée à la musique produite sur des machines. Il y a aussi beaucoup de Rock et de Métal à Lyon, souvent sombre ou mélancolique (Lòdz, Young Cardinals), parfois violent (Buy Jupiter, parmi beaucoup d'autres) et parfois (presque) inaudible (Plèvre). Au milieu de toute cette scène bouillonnante qui a donné naissance à des groupes désormais connus sur la scène nationale et internationale, Vesperine voit le jour en 2013 puis signe chez Send The Wood Music et enregistre ce trois titres en 2015 en compagnie de Fabrice Boy, personnage désormais incontournable pour de nombreuses formations lyonnaises. Une sorte de carte de visite qui permet à la bande d'ajouter sa pierre à l'édifice de la scène Rock locale sans oublier toutefois de développer son identité et une certaine originalité.

La lourdeur. On ne va pas tourner autour du pot très longtemps : Vesperine, c'est lent, c'est lourd, servi sans précipitation et avec une volonté certaine de développer des ambiances aussi captivantes qu'elles peuvent mettre mal à l'aise (et lasser une partie de l'auditoire). C'est simple : on est tiraillé à l'écoute de cet EP, partagé entre le délice de longues pièces à la fois violentes et cathartiques et le grincement de dents face à autant d'énergie mise au service de la lenteur et d'ambiances pesantes. On rentre dans le vif du sujet dès le premier morceau de cet EP : "Fin" ouvre le recueil par une ligne de guitare légère et lancinante avant que la déferlante instrumentale balancée par le reste du groupe ne vienne marteler l'oreille. Rien que par les choix de tonalités et des accords ainsi que le travail de composition où se retrouvent des influences assez nettes de Post-Rock et de Post-Hardcore, on sent qu'on ne va pas beaucoup rigoler avec cet EP. Ce premier titre, qui s'étale sur plus de onze minutes tout de même, apparaît comme une épreuve : si on la passe, alors le reste de l'univers musical de Vesperine nous tend les bras. Cet univers - relativement limité toutefois -, Vesperine le développe peut-être sous sa forme la plus élémentaire avec ce premier morceau, à base de lignes instrumentales répétitives, d'un chant hargneux qui sait se faire clair, doux et aux faux airs de berceuse délivrant des textes sombres, aux accents engagés mais poétiques malgré tout. L'ensemble dépeint un pessimisme latent et tire le portrait d'une société à laquelle on est tous confrontés. Un portrait de vie, en somme, ce qui vient justifier le nom du recueil. "Le Métamorphe", second titre de cet EP, délivre une dose différente d'énergie, le riff principal semblant "hacher" le morceau, la voix et surtout la guitare solo opérant dans le sens inverse en se chargeant de lier le tout pour faire passer les sept minutes avec bien plus de facilité. Enfin, ce Parmi Les Autres se voit clôturé par "Les Vertiges De La Pensée Close", le morceau le plus intéressant du recueil, les guitares se libérant véritablement pour décharger un Post-Hardcore-Métal qui n'a rien à envier aux plus grandes formations du genre, la guitare solo continuant d'écouler sa complainte avec sensibilité et légèreté, noyée dans le vacarme des autres instruments. Tout cela pourrait friser l'indigestion s'il n'y avait pas un bridge incroyablement calme au milieu de ce dernier morceau de plus de neuf minutes. On l'a bien compris : Vesperine aime hypnotiser l'auditeur à base de lignes et riffs répétitifs et on se laisse véritablement happer, qu'on aime ou qu'on n'aime pas. Il y a quelque chose de captivant dans cette approche, mais aussi quelque chose d'éreintant, comme un long marathon où il faudrait poser un pied devant l'autre, pas après pas, avec des chaussures de plomb au bout de chaque jambe. Une lourdeur qui fait toute l'identité (et, dans un sens, l'originalité) de Vesperine mais qui, évidemment, ne peut pas plaire à tout le monde.

La noirceur. L'autre particularité de Vesperine, c'est de s'exprimer en français. Les textes sont exclusivement chantés dans la langue de Molière et ça, c'est plutôt couillu de la part d'un groupe pratiquant un genre musical davantage connu à travers des formations anglophones. En faisant ce choix délibéré, les lyonnais s'offrent une place confortable sur cette scène relativement petite du Post-Hardcore et Post-Rock-Métal français, mais aussi international. Concernant les textes, on peut souligner un travail conséquent sur les rimes et le vocabulaire. En effet, le choix des mots est ici bien pesé, la richesse et la diversité des termes employés arrivant, paradoxalement, à conserver une tenue dans un nombre très limité de champs lexicaux. Car l'écriture n'est ici pas anodine : le groupe ne mise pas tout sur sa musique pour développer son identité et évite de s'égarer sur des sujets qui trahiraient une ligne directrice claire et nette. Il y a véritablement un parti pris dans le principe de venir sur scène pour délivrer un message à un public et Vesperine rejoint donc les groupes français ayant pour volonté première de ne pas tomber dans la facilité et l'abstraction de l'anglais qui n'est généralement pas compris par la grande majorité du public local. Ainsi, même s'ils évoluent dans des genres musicaux différents, on peut rapprocher le travail des lyonnais de celui de groupes comme Ellipse, Gus Vendetta ou encore Johk qui eux aussi aiment la poésie bien noire pour dresser des portraits de société par toujours réjouissants, voire même carrément déprimants.

Le risque. Pour tous ces choix, tant dans la composition musicale que l'écriture, Vesperine prend un risque énorme et tire son épingle du jeu. Un risque qui met en relief une sincérité dans l'approche musicale et ne peut qu'apporter du cachet au projet. C'est évident que Vesperine ne touchera pas un large public mais à quoi bon ? Le but est ici de faire quelque chose de singulier et ces gars-là semblent vraiment y prendre du plaisir. Tant mieux pour eux car il y a fort à parier qu'une partie de ceux qui ont posé ou poseront leurs oreilles sur cet EP se perdent ou se perdront sur la longueur des titres ou leur aspect répétitif. Des petits points faibles qui, s'il advenait que le groupe veuille les corriger ou les améliorer, pourraient largement être surpassés tant ce Parmi Les Autres camoufle un fort potentiel ! Cela est évidemment très subjectif. Quoiqu'il en soit, il n'est pas conseillé de mettre cet EP dans une oreille non avertie, et ce dernier s'apprécie dans des conditions bien particulières. On attend donc de voir ce que le groupe nous réserve pour la suite !

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