Artiste : Linkin Park
Album ; A Thousand Suns
Quatrième Album
Sortie : 2010
Genre : Rock Electro, Rap Rock, Rock Alternatif, Expérimental
Label : Warner Bros, Machine Shop
Morceaux à écouter : When They Come For Me, Waiting For The End, Wretches And Kings
(♥)
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Quoi de neuf ? Même line-up, même label. Pas grand chose en apparence. Pourtant, après le tournant musical (et la plutôt mauvaise surprise) qu'était Minutes To Midnight, on pouvait s'attendre à tout de la part d'un groupe pourtant estampillé Néo-Métal. Et Linkin Park n'avait pas déçu sur ce plan. Mais pas vraiment dans le bon sens du terme, malheureusement.
Un album-concept ? Sur le papier, quelques signes montrent une fois de plus la faiblesse de Linkin Park à pondre un album dense et complet. En effet, un rapide coup d’œil à la tracklist suffit à mettre en relief le nombre considérable d'interludes qui semblent faire davantage du remplissage que proposer de la véritable musique. Et à l'écoute, difficile d'en penser autre chose. Il est cependant assez difficile de trancher quant à l'intérêt de ces pièces : enrichissent-elles l'album avec des ambiances et servent-elles d'introductions aux autre morceaux ? Ou est-ce là une véritable supercherie ? Tout semblait plutôt bien commencer avec "The Requiem" et sa voix spectrale portée par des nappes Electro. Et là, juste derrière, un deuxième morceau de moins d'une minute à la musicalité pratiquement nulle car délivrant un sample de la voix de J. Robert Oppenheimer ("The Radiance"). On se dit qu'avec une telle entrée en matière, la suite sera au moins explosive. Que ça serait le minimum pour nous donner envie de se plonger dans l'album. Mais non, c'est un "Burning In The Skies" très mou qui pointe le bout de son nez. Pourtant, avec un titre pareil, ce morceau aurait mérité de nous réconcilier avec le Linkin Park de la première heure. On se demande alors pour quelle(s) raison(s) le groupe a fait le choix du Rock Electro et voulu s'adonner de telles expérimentations. La réponse de ses membres est pour eux évidente : pour se renouveler et tenter quelque chose de différent. La démarche aurait pu être saluée pour son audace et la prise de risque dangereuses pour un groupe dont la fan base avait une attirance notable pour le genre Métal. Sauf que le nombre de groupes pouvant proposer ce genre de compositions a explosé depuis quelques années et que ce sont généralement des formations de deux, trois, voire quatre personnes au maximum. Rappelons que Linkin Park ne compte pas moins de six membres et que le constat est vite établi : où sont passées les guitares, la basse ou même la batterie sur certains titres ? On a davantage l'impression d'être face à une paire de synthés et une boîte à rythme qu'autre chose. Alors, certes, le groupe expérimente, tente des choses qu'il ne faisait pas auparavant, mais le résultat est bien maigre pour six personnes. Une approche musicale contestable qui se veut pourtant "travaillée", notamment grâce aux interludes qui sont censés plonger l'auditeur dans l'ambiance de l'album qui compte d'ailleurs d'autres extraits de discours scandés cette fois par Mario Savio ("Wretches And Kings") et Martin Luther King ("Wisdom, Justice, And Love"). Une confrontation entre l'Homme et la machine qui passe donc par cette association de voix et la musique électronique. L'album-concept apparaît donc évident. Sauf que Shinoda, qui s'est en partie occupé de la production, ne veut pas considérer cet opus en tant que tel, prétendant simplement que le travail et la recherche peuvent amener à cette impression. Soit.
Musicalement, ça donne quoi ? Bah, ça déçoit. Comme souligné plus haut, le résultat final est bien loin de ce qu'on pouvait attendre d'un groupe de six musiciens. Des instruments semblent carrément passer à la trappe sur certains morceaux. On est en droit de se demander quel serait l'intérêt de jouer ces morceaux sur scène si les musiciens n'ont rien à faire de leurs mains. Malgré des expérimentations électroniques apportant une touche de nouveauté à la musique de Linkin Park, l'ensemble est incroyablement mou et semble avoir été fait pour passer sur toutes les radios possibles. Un point qui contraste avec les premières compositions du groupe et qui auraient bien du mal à être diffusées, surtout aujourd'hui, le Néo-Métal étant pratiquement mort. Bref. On est donc face à un dilemme : est-ce une véritable prouesse que de faire aussi différent, ou un échec cuisant ? Si on regarde les chiffres, on est loin de l'échec commercial mais les critiques n'ont pas été unanimes, preuve qu'il y a bien un "hic" avec cet album. On remarquera d'ailleurs que Chester ne hurle pratiquement pas (et on aura beau dire ce qu'on veut, le bonhomme se défend quand même plutôt pas mal vocalement, notamment sur "The Messenger") et que Mike Shinoda, très présent, rappe plus souvent qu'à l'accoutumée (ce qui n'est d'ailleurs pas sans apporter une touche très Fort Minor à cet album). Une sorte de pot pourri où la frontière entre le Rap Rock et l'Electro tend à pratiquement s'effacer.
Et les textes et thèmes abordés ? Linkin Park n'a jamais vraiment fait dans l'engagé ou l'expression d'une violence inhibée malgré un Néo-Métal plutôt pêchu à ses débuts. Le groupe n'emploie d'ailleurs que rarement des termes grossiers ou insultants à l'inverse de formations comme Limp Bizkit. Cette particularité permet d'ailleurs à la bande de Bennington et Shinoda d'être désormais populaire et accessible à tous, même aux plus jeunes. Avec A Thousand Suns, on retrouve cette accessibilité par une musique plutôt douce teintée de Rock et où l'Electro a une place très importante. Comme dit plus haut, cette touche Electro n'est pas anodine tant les sujets abordés dans les textes font référence à la relation qu'entretient l'Homme avec les machines et la technologie d'une façon plus générale. Il y a donc ici ce qui ressemble à un travail de fond. Une ligne directrice d'ailleurs très bien exploitée dans le clip pour "Waiting For The End" qui - on pourra dire ce qu'on voudra - est visuellement abouti et très bien réalisé. Les titres de certains morceaux et les samples de voix viennent corroborer ce parti pris. De plus, le titre de l'album fait apparemment référence à un extrait du Bhagavad-Gita, un texte hindou en sanskrit, où il est mentionné que si "l'éclat de mille soleils venait à percer le ciel, cela serait sans nul doute la splendeur du Tout Puissant". Une métaphore religieuse qui fait indubitablement penser au "jugement dernier" (et donc à Terminator 2, pour les cinéphiles) et rendue célèbre par J. Robert Oppenheimer (voilà qui explique le sample de sa voix) qui fit allusion aux bombes atomiques larguées sur le Japon en 1945. Tout un programme et surtout une anecdote qui a beaucoup influencé le groupe pour la réalisation de cet opus.
Verdict. Pas facile de trancher. D'un côté, le groupe se défend d'avoir beaucoup travaillé sur le fond, d'avoir cherché et expérimenté un moyen de faire passer son message - aussi évident soit-il - par la musique, ce fameux mélange de Rock à la sauce Electro. Mais le groupe s'est clairement perdu ici dans des interludes parfois inutiles et brisant le rythme d'un album qui aurait mérité sans doute beaucoup plus de pêche et de mordant. D'un point de vue personnel, le résultat est un échec et on s'ennuie ferme ! Pris à part et en omettant le reste de la discographie du groupe, cet effort n'est pas déplaisant et se laisse écouter malgré de très nombreuses longueurs mais il est clair et net qu'on pouvait attendre beaucoup mieux de la part de Linkin Park !
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