Artiste : Death Of A Nation
EP : Death Of A Nation
Sortie : 2018
Genre : Punk Hardcore mélodique, Post-Hardcore
Label : No Sleep Records
♥♥♥♥(♥)
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De qui on parle ? Si Death Of A Nation peut se targuer d'être un groupe, on peut même peut-être aller jusqu'à considérer la bande comme un collectif. Formé par cinq musiciens dont Sean "Quinn" Murphy (ancien chanteur de
Verse), Jason Maas et Andrew Reitz, respectivement anciens guitariste (2008-2015) et batteur (2008-2011) de
Defeater, Death Of A Nation puise sa force et son identité principalement dans la musique des groupes d'origine de ses membres. On y retrouve aussi ce qui fait la puissance de cette scène Hardcore engagée employant la musique comme vecteur d'information pour faire passer un message fort, généralement social et politique. Et quoi de mieux que l'année 2018 et l'Amérique de Trump pour inspirer un tel projet musical, aiguiser les riffs et balancer des textes dénonciateurs et revendicateurs percutants comme des coups de poings ? Tout ça, évidemment, avec la même hargne que lorsque Sean balançait "
...they'll never silence me as long as I can breathe !" à l'époque de
Verse ("
The New Fury").
Contexte et témoignage. Paru chez
No Sleep Records, ce n'est pas un hasard si ce quatre titres a été publié au début du mois de mars 2018. Il semblerait même que ces morceaux étaient depuis quelques temps dans les tuyaux puisque les membres du groupe reconnaissent eux-même que "c'était le bon moment pour les mettre en écoute" du fait des événements ayant agité les Etats-Unis quelques semaines avant cette sortie (notamment
la fusillade de Parkland). Le projet tire aussi sa force du travail effectué en amont de la composition des titres de cet EP : les membres de Death Of A Nation sont en effet allés interviewer différentes associations et autres activistes engagés dans des organisations locales dédiées à la jeunesse de la ville de
Providence. Le condensé de ces témoignages donne une autre vision de cette jeunesse trop souvent délaissée et pouvant facilement se laisser aller à des violences ou à une perdition sociale. Le groupe révèle ainsi que beaucoup de gens continuent d'accorder du temps à cette jeunesse pour lui éviter le pire et que ces personnes sont bien trop souvent mises en retrait de l'actualité, notamment dans un contexte politique ne mettant pas du tout ces associations en valeur. C'est ainsi que Death Of A Nation a décidé de mettre sous le feu des projecteurs une association comme
PrYSM grâce à ce quatre titres.
Cocktail explosif. On s'en doute, ce projet musical n'a pas vocation à dépeindre un monde où tout est beau et où tout tourne rond, bien au contraire. Depuis l'élection de Trump, le clivage social s'est prononcé aux Etats-Unis et dans ce contexte, en plus des observations faites par le groupe dans les rues de
Providence, Death Of A Nation a voulu se faire l'écho d'un environnement associatif qui se débat et oeuvre au nom de ceux à qui on ne donne pas la parole. Le résultat est donc cet EP de quatre titres, tout aussi charmant qu'il est énervé. Rien que les titres des morceaux suffisent pour comprendre qu'il est ici question de colère, de rage, de revendications et d'un gros
middle finger envoyé à ceux qui gouvernent le pays. Musicalement, on retrouve cette batterie aux influences Jazz et au style incomparable ayant en partie fait l'intérêt et la renommée du Hardcore de Defeater (réécouter "
Bite And Sting" par-exemple) et toute la verve et la puissance vocale de Sean Murphy : un vrai régal pour les oreilles, mais aussi pour l'esprit. Car c'est aussi dans les textes que toute l'émotion, la ferveur et la colère transparaissent avec une sincérité propre au genre Hardcore. On notera aussi cette touche Post où les instruments laissent le champ libre à la voix pour s'exprimer, évitant le déchaînement bruyant et gratuit souvent trop précipité dans le genre. Ainsi, on prend une véritable leçon de "calme avant la tempête" avec "
Don't Speak For Me" qui ouvre l'EP d'une façon magistrale. L'image d'une société en ébullition et proche de l'explosion est retranscrite d'une belle façon qui permet de se laisser imprégner par les textes et ressentir toute cette colère enfouie. Que dire aussi de cette voix féminine qui s'invite sur "
Metaphors Of Murders" pour clôturer l'EP - évidemment trop court - offrant une douceur et une beauté qui contrastent avec la voix hurlée de Murphy ? Tout est finement pensé, composé avec brio et permet d'offrir un Hardcore d'une qualité rarement entendue ces dernières années. Tout cela ne peut créer qu'une seule envie : se repasser des albums comme
Travels et
Aggression, en boucle, encore et encore et surtout espérer que Death Of A Nation continuera de produire de la musique.
L'engagement. Beaucoup de choses viennent à l'esprit en écoutant cet EP et en prenant conscience de sa véritable intention et le travail effectué autour du projet. Comment ne pas repenser à l'engagement des mecs de
System Of A Down lors des manifestations pour la paix et contre la politique de G.W. Bush en 2003 dans la vidéo pour "
Boom" ? Comment ne pas repenser à tout le travail musical fourni par
Rage Against The Machine et les textes dénonciateurs de
Zack De La Rocha au fil de la discographie du groupe ? On peut aussi penser à un groupe comme
Flobots qui a toujours pris position en faveur d'associations, employant souvent un ton révolutionnaire et ayant servi un premier album incroyable en 2007 avec
Fight With Tools. Le militantisme musical ne date donc pas d'hier et on peut souligner qu'il est assez développé au pays de l'Oncle Sam. C'est dans cette démarche qu'on pourrait qualifier de "totale" que les membres de Death Of A Nation ont décidé de reverser l'intégralité des revenus générés par la vente de cet EP à l'association
PrYSM. Difficile de ne pas respecter cette démarche... et de ne pas mettre la main à la poche pour investir dans
les quatre dollars demandés sur BandCamp pour acquérir ces quatre morceaux.
La qualité. Que dire de plus à part qu'on a simplement envie de voir Death Of A Nation continuer son militantisme musical en développant le projet pour nous offrir d'autres titres du même niveau que ceux présentés sur cet EP ? On tient là un mélange parfait de ce que des groupes comme
Defeater et
Verse sont (ou ont été) capables de faire et on en redemande !
n.b. : Retrouvez les textes de l'EP via un post Facebook par Death Of A Nation en cliquant sur
ce lien.