Artiste : DVSR
Album : D.V.S.R.
Premier Album
Sortie : 2015
Genre : Djent Rap
Label : Autoproduction
Morceaux à écouter : Fatal Attraction, Life And Death, Unconscious
♥♥♥(♥)
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L'Australie : terre de musique. S'il fallait choisir trois pays se distinguant par l'identité des groupes que l'on voit s'y former, le Royaume-Uni viendrait évidemment à l'esprit tant on sait y manier le Rock et l'Electro dans tous les sens, de la façon la plus surprenante mais aussi (souvent) la plus réussie qui soit (voir, parmi tant d'autres, des formations relativement récentes comme Enter Shikari, Arcane Roots, The One Hundred, The Qemists, While She Sleeps ou encore Marmozets). En seconde position, moins évidente cette fois, il y a les Pays-Bas où certains groupes, parfois oubliés, arrivent à tirer leur épingle du jeu, même s'ils sont plutôt peu nombreux (Dope D.O.D. ou BlabberMouf dans le Hip-Hop, The Charm, The Fury ou feu Textures dans le Métal, parmi d'autres). Enfin, n'oublions pas l'Australie. Car il y a beaucoup de choses qui se passent là-bas. Niveau Hip-Hop et Rap, on entend assez peu parler de la scène riche qui s'est développée là-bas. Citons, par-exemple, Drapht ou encore Hunter. Question Rock et Métal, est-il nécessaire de citer des groupes comme Twelve Foot Ninja, Northlane, The Amity Affliction ou encore Parkway Drive qui ont su s'imposer sur la scène internationale, sans oublier Ocean Grove, fier représentant d'un nouveau souffle pour le Néo-Métal ? Oui, il y a de quoi trouver son bonheur dans la musique australienne. C'est au milieu de tout ça qu'est venu pointer le bout de son nez DVSR (initialement baptisé Devastator) avec son mélange de Rap et de Djent en 2013, enchaînant sur la sortie de ce premier album éponyme deux ans plus tard, en 2015.
Du Djent-Rap. Mélanger le Rap et le Métal, c'est pas vraiment l'idée du siècle, il faut l'avouer. Un paquet de groupes ont déjà expérimenté le truc depuis le début des années 1990s, avec plus ou moins de réussite. Par contre, pousser le concept jusqu'au Djent, avec des guitares à sept ou huit cordes, c'est un domaine où il y a déjà moins de monde au guichet. Pourtant, ça aussi, ça a déjà été fait. Hacktivist, formation britannique officiant depuis 2011 et ayant sorti un premier EP éponyme en 2012, est en effet le digne précurseur de cette expérimentation un peu étrange. DVSR vient donc directement empiéter sur les plates-bandes d'un groupe qui avait pourtant réussi à se faire remarquer grâce à un cocktail de Djent-Rap novateur à deux MCs et trois voix si on prend en compte la participation vocale de son guitariste. Quid de DVSR sur ce plan ? Rien qui puisse faire de l'ombre aux anglais, en tout cas sur le papier : un combo basse/guitare/batterie des plus élémentaires et un seul MC au micro. La base, en somme. Pourtant, DVSR arrive à ne pas rester dans l'ombre de ses aînés britanniques en créant son identité musicale pour ainsi tracer sa propre voie.
Bien exécuté. Quoi de mieux pour ouvrir un album qu'un petit morceau instrumental en intro ? Tout est là pour servir un premier titre percutant : "Six Figures Deep" déboule avec ses gros sabots, une double-pédale fortement présente, un gros riff puissant et des lignes de guitare plus aériennes en toile de fond. Les ingrédients ne sont pas extraordinaires mais toute l'essence de la musique du groupe est là pour porter un flow assassin balancé par une grosse voix qui donne la forte impression de vouloir en découdre. C'est vrai que question bagarre, il n'y a parfois qu'un pas entre le Métal et le Rap. Heureusement, DVSR ne fait pas que dans la violence verbale et le riff gonflé aux stéroïdes : on découvre dès "Fatal Attraction" une certaine sensibilité appuyée par quelques notes miroitantes de guitare sur les couplets et un refrain pratiquement chanté. Le souci, c'est qu'une fois ces deux titres écoutés, on a pratiquement tout entendu de DVSR sur le plan instrumental : on retrouve ces deux orientations musicales sur le reste de l'album avec, par-exemple, "Shutdown" et sa hargne vengeresse opposé à "Beneath The Skin", plus cérébral et planant. En cela, le disque manque cruellement de relief et trouve tout son intérêt dans les textes de Matt Youkhana dont le flow n'en est pas moins impressionnant. Dire que cet album n'est pas solide serait pourtant mentir : l'ensemble est suffisamment riche pour retenir l'attention et surtout porteur d'une énergie dévastatrice pour quelque chose qui mériterait finalement davantage une étiquette "Rap-Djent" que "Djent-Rap". On regrettera juste le manque de variations dans les compositions et le manque de prises de risques d'un morceau à l'autre. Seul un titre sort clairement du lot : "Remission", par son approche instrumentale légère et l'ajout de quelques voix féminines ainsi que ses notes lumineuses de guitare qui font tout de suite penser à certains titres de P.O.D.
Lourd de sens. Si musicalement on pourra reprocher à DVSR de ne pas suffisamment varier ses compositions, difficile de parer l'argument du Rap. Qui s'est déjà plaint d'une instru terriblement répétitive dans un bon morceau de Rap ? Pour nous, français, qui avons souvent un peu de mal avec les langues étrangères et notamment l'anglais, c'est pourtant dans les textes de DVSR qu'il faut faire l'effort de se pencher un peu. Heureusement, Internet nous donne accès à l'intégralité des pavés rédigés par Matt Youkhana afin de mieux percevoir le sens du message porté par le groupe. Sans véritable surprise, l'industrie musicale et ses travers sont pointés du doigts, DVSR préférant conserver son autonomie et sa liberté de création ("Six Figures Deep") plutôt que la célébrité et l'argent. L'amour est aussi un sujet récurrent, sous toutes ses formes : ce sentiment singulier qui nous attire vers une autre personne et nous pousse parfois à nous dépasser, parfois pour le pire ("Fatal Attraction"), mais aussi cette chose universelle qu'est l'amour qu'on peut porter pour ses semblables et qui amène au pardon et à l'indulgence ("Love is never gone" dans "Life And Death"). Malgré toute la colère et la hargne qui peut transparaître dans la musique de DVSR, le groupe semble pourtant s'opposer frontalement à la violence, considérant celle-ci comme l'ultime recours (nécessaire, ceci dit) à une oppression abusive ("Silence is the key [...] but their mouth gets shut when I hit them with a fist" dans "React"). On sent donc une véritable sincérité dans la démarche musicale entreprise par DVSR et surtout une forme d'humanisme et de conscience qu'on trouve également chez certains groupes de Métalcore ou de Hardcore. La différence ici est que les textes sont tout aussi fournis que dans le Rap et sont servis avec un flow tout aussi incroyable qu'il en reste compréhensible, la diction de Matt Youkhana s'avérant être bluffante de clarté.
Percutant. DVSR a donc signé là un premier album qui en impose par son contenu, la puissance des riffs et la richesse de ses textes. Un combo gagnant qui a permis au groupe de se faire rapidement connaître (et reconnaître) sur la scène internationale malgré son indépendance et l'absence totale d'aide pour sa communication dans les médias spécialisés. Toutefois, le gros point faible du groupe est de beaucoup miser sur ses textes et son message qui est assez difficile à assimiler pour les non-anglophones à la simple écoute de ce disque. On passe néanmoins un très bon moment et DVSR met ici tout simplement une patate folle : dans les oreilles au sens propre, et au moral au sens figuré. Balèze !
n.b. : Retrouvez l'intégralité des textes de cet album sur le site genius.com. Notez aussi que le groupe a sorti un morceau en fin d'année 2016 et répondant au nom de "Bad Company".
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