Si on savait déjà que
Plini était un petit génie de la six cordes et qu'on avait déjà eu la chance de le voir sur scène l'an dernier, à Lyon,
en compagnie d'Aaron Marshall d'Intervals et du trio Animals As Leaders (une soirée qui était aussi organisée par
Sounds Like Hell Productions), ce qu'on savait moins, c'est que malgré des débuts en solo, le gaillard préférait largement partager la scène entouré de beaucoup d'autres génies de la même trempe que lui. Et c'est exactement ce que le jeune australien de 24 ans nous a montré en cette soirée d'avril 2017 sur la petite scène du
Warmaudio.
C'est le printemps, il fait beau, il fait bon et la queue est déjà longue devant les portes du
Warmaudio. Chose relativement surprenante si on prend en compte tous les facteurs propres à cet événement : l'isolement du
Warmaudio, à Décines ; le fait que ce concert ait lieu un mardi soir, en semaine ; la musique pratiquée par les groupes/projets à l'affiche de cette soirée qui rassemble davantage les geeks de la guitare, généralement bons musiciens ou autres adeptes de cette scène Progressive plutôt en marge ; mais aussi le fait que
Sounds Like Hell Productions organisait ce soir-là un autre concert qui, lui, affichait "complet", au CCO de Villeurbanne, où se produisaient les nordiques de
Mayhem en compagnie de
Dragged Into Sunlight et
Khaos-Dei. Bref, tout ça pour dire qu'il y avait du monde pour venir écouter et voir
Plini, mais aussi
David Maxim Micic et
DispersE - projet porté par
Jakub Zytecki - et que ça faisait plaisir à voir !
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David Maxim Micic sur la scène du Warmaudio |
Malgré toutes les bonnes promesses de cette soirée, il y a quand même eu une ombre au tableau. Car lorsque la salle a été plongée dans le noir pour annoncer l'arrivée de
David Maxim Micic (accompagné par
Jakub Zytecki à la guitare et
Simon Grove à la basse), c'est sans batteur que le set a débuté. Avec deux batteries sur scène, on était en droit de considérer que cette première partie était donc jouée sans batterie de façon intentionnelle, les deux kits étant réservés aux projets suivants. Car c'est avec un intérêt non dissimulé que nous attendions le set de
DispersE pour (enfin !) avoir la chance de voir
Mike Malyan œuvrer derrière son kit, lui qui a officié pendant près de cinq années au sein de
Monuments, groupe britannique de Métal Progressif au sein duquel le gaillard s'est distingué pour
sa technique et son perfectionnisme (ainsi que son humour). Mais lorsque
David Maxim Micic prend le micro pour excuser l'absence de Mike Malyan qui normalement devait jouer pour lui, on réalise soudainement qu'il n'y aura pas non plus de Malyan à la batterie pour
DispersE. Double peine !
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Simon Grove et "Steve Jobs" pendant le set de Micic |
Heureusement,
David Maxim Micic fait bien vite oublier cette déconvenue avec une petite touche d'humour, remerciant Steve Jobs pour avoir pris le relais (les lignes de batterie sont en effet balancées via un ordinateur Apple qui trône sur la scène). Une fois le choc encaissé, on peut tranquillement se laisser emporter par
la musique du serbe. Avec un style aérien et onirique qui ressemble évidemment beaucoup à celui de
Plini, le gaillard préfère cependant baser sa musique sur des ambiances feutrées, douces et avec moins d'étalage de technique que celui de son homologue australien. Il y a aussi beaucoup d'arrangements électroniques dans le Métal/Rock Progressif que propose Micic, ce qui lui permet de développer un univers à part difficilement descriptible où apparaissent même des samples de voix comme dans l'impressionnant "
Who Beat The Moon" en clôture de
son album du même nom sorti en début d'année 2017. Et si on avait encore des doutes sur la façon d'appréhender la musique du guitariste, il suffit de le voir sur scène, capuche sur la tête et yeux fermés, pour comprendre qu'il y a presque quelque chose de mystique dans son projet. On se laisse donc balader au fil des morceaux avec une étonnante légèreté plus proche du Rock psychédélique que du Djent. Un très bon moment qui s'apprécie tout autant sur les versions studio de sa discographie (
à découvrir sur BandCamp).
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Jakub Zytecki lors de cette soirée |
Est ensuite arrivée l'entracte et le retour à la réalité. Car après s'être littéralement laissé emporter par le set planant de
David Maxim Micic, la douloureuse question du batteur pour le set de
DispersE vient chatouiller notre curiosité : si le matériel est prêt à l'emploi, il va donc sans doute y avoir quelqu'un derrière les fûts. Mais qui ? Lorsque la bande se présente sur scène, il y a effectivement un batteur. Il faudra attendre un ou deux morceaux pour que
Jakub Zytecki, qui porte en grande partie le projet, nous explique que Mike a été contraint de partir quelques jours (pour raisons familiales, apparemment) et que c'est
Józef Rusinowski qui le remplace, le bonhomme ayant travaillé les nouveaux morceaux du groupe en quelques jours seulement. Un remplacement de dernière minute qui permet au moins à la bande de jouer sa musique avec un musicien derrière chaque instrument et même si la prestation de Józef (de très bonne qualité) ne nous aura pas fait oublier l'absence de Mike Malyan, il faut admettre qu'une vraie batterie, pendant un set, ça sonne quand même beaucoup mieux qu'une ligne sortie d'un ordinateur ! Concernant la musique de
DispersE, le groupe revendique
Tesseract,
Animals As Leaders,
Dream Theater,
The Contortionist ou encore
Periphery et
Volumes comme influences. Voilà qui fait beaucoup ! Pourtant, il suffit d'écouter le dernier album du projet,
Foreword, sorti en février 2017, pour tout de suite réaliser que
DispersE a su se distinguer de toutes ces formations par un Rock Progressif nerveux et technique qui ne tombe que très rarement dans la violence et l'épaisseur du Métal. En ajoutant à cela la voix douce de Rafal Biernacki et des arrangements électroniques là aussi très présents, on obtient une sorte de Pop-Rock-Prog qui a au moins le mérite de ne ressembler à pratiquement rien d'autre. Une identité et une prise de risque qu'on peut saluer, même si le physique et le style de chant de Rafal Biernacki font planer sur la bande le spectre de
Tesseract... et n'est pas
Tesseract qui veut. Toutefois, le quatuor s'exécute avec une certaine aisance, le guitariste
Jakub Zytecki assurant les parties les plus techniques du set avec sa patte singulière. Le résultat est de qualité même si le choix d'un chanteur ici divisera sans aucun doute les
aficionados du genre. Fait surprenant et relativement rare dans ce genre de set, Rafal Biernacki est carrément sorti plusieurs fois de la scène pour s'effacer et laisser la place aux autres musiciens sur les passages instrumentaux. Un geste curieux mais très appréciable dans de pareilles circonstances qui évite des instants gênants où le vocaliste pourrait faire de la figuration et occuper l'espace au détriment de ses collègues musiciens. Bref,
DispersE mêle la technique à la musicalité et s'offre le luxe d'être plutôt passe-partout avec une orientation davantage Rock et électronique que les autres formations du même acabit. La discographie de
DispersE est elle-aussi
à découvrir sur BandCamp.
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Plini |
Ce fût ensuite au tour de
Plini de prendre possession de la scène du
Warmaudio. Flanqué de ses deux compères
Simon Grove et
Troy Wright, c'est cette fois en compagnie de
Jake Howsam Lowe que le petit génie australien a décidé d'effectuer sa tournée. À l'instar de
Aaron Marshall qui avait accompagné
Plini lors de
sa tournée 2016 (en
Europe et en
Amérique), Jake est capable de jouer chaque morceau dans son intégralité, se permettant même quelques excentricités sur les soli. Si certains n'avaient encore jamais entendu parler de lui avant cette soirée, il ne faut pas longtemps pour réaliser que ce gars-là est lui aussi une brute à la guitare (et que ce n'est pas la première fois qu'il joue en compagnie de Plini). Alors que dire lorsqu'une telle quantité de talents se retrouvent tous côte à côte sur scène ? Bah pas grand chose. Le plus simple, c'est de la boucler et de profiter pleinement de l'instant et c'est exactement ce que le public a fait ce soir-là au
Warmaudio, la salle toute entière se laissant soudainement captiver par une prestation d'une grande qualité,
Plini jouant sa musique avec une telle décontraction que c'en est clairement blasant.
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Jake, Plini et David Maxim sur scène |
Mais c'est surtout l'humilité de ces musiciens qui impose le respect. Une fois de plus,
Simon Grove s'est distingué par son doigté, sa main se promenant avec une aisance qu'on lui connaît bien sur le manche de sa basse à cinq cordes. Une fois de plus,
Troy Wright a fait des merveilles derrière son kit, défonçant chaque morceau avec une précision chirurgicale en plus d'aligner un solo comme d'habitude bluffant. Une fois de plus,
Plini a pris son pied en compagnie des musiciens qui l'accompagnaient, proposant même un bœuf à six en faisant monter
Jakub et
David Maxim sur scène pour improviser ce qui ressemble davantage à une partie de rigolade entre potes qu'à une véritable
battle pour savoir à qui sortira la ligne solo la plus folle. Et même si ce genre de pratique pourrait sembler pédante et ennuyeuse pour l'auditoire, ces gars-là ont une étrange capacité à rendre l'exercice des plus succulents et agréables à l'oreille, mais aussi pour les yeux. Un véritable bonheur. Niveau
setlist, difficile de se plaindre aussi, tous les incontournables de
Plini ayant été passés en revue, de "
Paper Moon" à "
Selenium Forest" en passant par "
Electric Sunrise" ou encore "
Handmade Cities" et "
Cascade", c'était déluge de "tubes" et un plaisir immense que de redécouvrir ces pièces entre les murs du
Warmaudio, la proximité avec les artistes donnant une dimension toute particulière à ce concert, chose que l'on n'avait pas dans
la salle du CCO l'année passée.
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Jakub, Jake et Plini sur scène |
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Troy Wright derrière son kit |
Une soirée tout aussi agréable pour les yeux que pour les oreilles. Un véritable
eargasm de plus de deux heures avec une bande de musiciens humbles, souriant et talentueux sur scène. Un très bon concert et une très bonne soirée. Merci encore au
Warmaudio pour avoir accueilli l'événement et à
Sounds Like Hell Productions pour l'invitation et l'organisation ainsi qu'à Nesrine Chebil, son sourire et ses photos. Le reste des photos prises lors de cette soirée sont à découvrir via
l'album sur la page Facebook de Boatamusik. Vous pouvez aussi aller jeter un œil à la série de clichés prise par
Lukas Guidet via
son site officiel, notamment pour ses photos du groupe
DispersE.