Artiste : Young Cardinals
Album : Sunset Chaser
Premier Album
Sortie : 2016
Genre : Post Rock, Rock Progressif
Label : Send The Wood Music
Morceaux à écouter : Jupiter,
The Weight Of Inertness, Die Alone
♥♥♥(♥)
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De qui on parle, déjà ? En 2013, ce groupe lyonnais balançait
sur BandCamp un EP de quatre titres répondant au nom de
Lights | Burns | Despair. Il n'en faudra pas plus pour propulser la bande sur le devant de la scène Rock/Métal locale et surtout faire peser sur ses épaules le poids des promesses. Autant dire que ce premier album était attendu et avec une signature chez
Send The Wood, les Young Cardinals ont (enfin !) pu se frotter la scène nationale (et internationale ?) aux côtés de grands noms du genre (
Young Cardinals a notamment fait la première partie de God Is An Astronaut sur plusieurs dates en France en 2015).
Classieux. Un
artwork sobre mais dégageant une élégance certaine : le visuel d'un album en dit généralement long sur son contenu et après un EP à la luminosité appuyée par son
artwork, justement, ce
Sunset Chaser s'annonce beaucoup plus éthéré, comme pour symboliser la perte, l'amour fané, la sensibilité ainsi que la fragilité ou même la solitude que cette silhouette nue semble évoquer. Difficile de se tromper avec une telle présentation visuelle : ce qui est à l'intérieur semble beau, fort et intimiste.
Un album qui prend son temps. Dix titres pour plus de cinquante minutes en boîte : il faut bien avouer qu'on voit ça de plus en plus rarement. Et si les Young Cardinals ne sont ici pas avares musicalement parlant, c'est sans doute parce qu'il leur tenait à cœur de partager et faire découvrir leur univers (trop ?) succinctement présenté avec
l'EP sorti en 2013. Après une première écoute, ce qui est bluffant avec
Sunset Chaser, c'est l'aspect monolithique et l'unité qui se dégagent de l'ensemble. Comme une nouvelle dont chaque chapitre s'avalerait d'une traite, cet album s'écoute avec à chaque titre la même sensation de tristesse saupoudrée d'espoir. Certes, on a déjà entendu ça dans le Post-Rock ou le Rock plus progressif. Mais avec la voix de Jordan qui fait évidemment penser à Brandon Boyd de chez
Incubus - la touche de fragilité en plus -, on a là quelque chose d'assez unique. Le rythme est peu soutenu et les Young Cardinals prennent véritablement le temps de développer leur sujet, plus de la moitié des pistes durant au moins cinq bonnes minutes. Et c'est là que les références (assumées) du groupe pointent le bout de leurs nez : comment ne pas penser à
Russian Circles sur la clôture explosive de "Blued And Broken By Strong Fingers" ou sur "Die Alone" ? Ou encore à
Deftones avec les riffs les plus épais de "Dried Shores" ou "The Weight Of Inertness" ? Quand à cette fameuse touche
Incubus, elle est sans aucun doute la plus marquée sur le chant de "Blued And Broken By Strong Fingers". Pour le reste, c'est évidemment très Rock Prog, les titres "Jupiter" et "Strange Days" couvrant à eux seuls près d'un tiers de l'album. Les plus rêveurs, poétiques ou tout simplement amateurs du genre sont comblés. Quant à ceux qui auraient aimé un peu plus d'attaque et de
punch, il faudra peut-être attendre la prochaine sortie des Young Cardinals. Ou revenir à
l'EP précédent. En effet,
Sunset Chaser n'est pas énergique au premier sens du terme et on ne peut pas dire qu'il donne véritablement envie de sauter dans tous les sens. Quoiqu'il en soit, c'est bien composé, la production est remarquable et les Young Cardinals proposent ici des morceaux qui en imposent dans le casque ou les enceintes.
Mélancolique. Ce n'est plus une surprise : il y a de plus en plus de groupes français qui s'expriment en anglais, et Young Cardinals en fait partie. Il faut cependant admettre que le choix de la langue n'est ici pas d'une importance capitale, le chant et les instruments tenant chacun leurs rôles comme il se doit. Certes, il n'est pas toujours facile de comprendre le sujet des textes et on aurait bien aimé davantage de variations et tonalités dans le chant de Jordan mais l'important n'est pas là. Ce qui compte en effet, ce sont davantage les émotions que le groupe veut faire passer et l'ensemble transmet une sacrée dose de mélancolie. Un livret avec les textes aurait été bienvenu mais puisqu'il faut faire sans, autant profiter de ce qu'on nous propose d'écouter sans se soucier des mots. Notons cependant que sur
l'EP, on avait droit à quelques (courtes) phases de chant hurlé. Sur
Sunset Chaser, il n'en y a aucune et c'est sans doute le premier détail qui interpelle quant à l'ambiance générale de cet album. Enfin, la poésie se dégage aussi du choix du titre du recueil et des morceaux qu'il contient avec cette fascination pour l'astre solaire et les planètes qui gravitent autour. Le renouveau de chaque journée avec le soleil se levant à l'horizon, la lumière, la fébrilité de la petitesse face à quelque chose d'immensément grand et qui ne s'explique pas toujours : toutes ces sensations aussi étranges que magnifiques se retrouvent dans l'album et dans la musique de Young Cardinals.
Sunset Chaser est un tout, quelque chose de presque immatériel qui se ressent davantage qu'il ne s'écoute. Et ce n'est sans doute pas un hasard si le Post-Rock est majoritairement pratiqué de façon instrumentale. Avec le chant, Young Cardinals ne fais qu'ajouter un bonus, vocal, mais qui n'a pas besoin d'être nécessairement compris. Et comme il paraît qu'
écouter de la musique triste, ça rend heureux, pourquoi s'en priver ?
Propre. Et peut mieux faire encore. Avec ce premier album, les Young Cardinals ne font rien d'autre que présenter un travail de qualité. Avec de belles ambiances, des riffs suffisamment percutants pour accrocher l'oreille, une qualité de narration dans les compositions et une production incroyablement léchée, on est bien loin du brouillon qu'aurait pu être
Sunset Chaser en tant que premier effort en version longue. Et même si l'EP
Lights | Burns | Despair nous avait mis sur la voie, on a là la preuve que les lyonnais savent ce qu'ils veulent et où ils désirent nous emmener. Toutefois, avec autant de qualités, on peut légitimement penser que le groupe est en capacité de mieux faire et pourrait apporter une touche d'énergie positive à sa musique. On attend donc une suite à ce premier effort qui ouvre un large champ des possibles.